Qu’est ce que l’éducation au goût ?

Dans le milieu de l’éducation alimentaire, l’éducation ou l’information nutritionnelle et l’éducation au goût relèvent de deux champs de connaissances différents. Elles sont parfois mises en opposition. Une question centrale concerne les finalités de ces éducations, la première étant clairement fondée sur un objectif santé (physiologie, médecine) visant le maintien des capacités physiques, et la seconde étant dans un objectif de réappropriation de l’acte alimentaire prenant en compte les capacités cognitives, représentationnelles, sociales et individuelles de la personne. Les objectifs de ces deux approches éducatives paraitraient parfois contradictoires, l’une renforçant l’idée que certains aliments sont bons/mauvais pour la santé, et l’autre privilégiant l’importance du « goûter » comme expérience subjective à découvrir dans le plaisir de l’acte alimentaire.

Contrairement à l’éducation ou l’information nutritionnelle qui engage la transmission de connaissances relevant des sciences biologiques, dans un modèle de transmission vertical (adulte-jeune), l’éducation au goût engage la personne « incarnée » à la fois dans un corps et une culture. Elle est participative et horizontale et convoque à la fois des connaissances des sciences humaines et de la neurobiologie.

Les réponses apportées par l’éducation au goût ne sont pas univoques, imposant la référence à une autorité extérieure (fusse-t-elle celle des sciences naturelles) qui régisse l’expérience individuelle. L’éducation au goût est un processus d’apprentissage, collectif, de réflexivité sur l’expérience sensorielle et les sensations guidant le plaisir alimentaire. C’est une éducation qui se vit, s’incorpore, en proposant des dégustations aux participants, centrées sur leur expérience personnelle tout comme en les mettant en situations d’échange et de partage à travers la commensalité des repas par exemple. Cette éducation permet de mettre en évidence les différences interindividuelles entre mangeurs, de développer les compétences psychosociales de la personne en favorisant l’estime de soi, la confiance en soi, l’identité et l’autonomie.

L’éducation au goût impose à l’éducateur du goût, de mettre en place une relation en confiance avec la personne, afin de favoriser son expression libre et personnelle lors des mises en situation proposées. L’éducateur du goût est un accompagnateur devant trouver des chemins possibles à l’expression de la personne et à son évolution. Il participe à développer la capacité de la personne à goûter de nouveaux aliments, à exprimer et communiquer ses sensations et à développer l’esprit d’analyse face à ses choix alimentaires. L’éducation au goût s’avère dès lors, complémentaire à l’éducation nutritionnelle, en concernant la personne à la fois en tant que corps et individualité. Elle implique une diversité de professionnels (acteurs de terrain, chercheurs) liés à différents domaines de connaissance avec comme points communs, leur lien à l’alimentation, et leurs intérêts à identifier les spécificités et les conditions de transmission de cette éducation.

A l’échelle internationale, un consensus se dessine sur les limites des actions d’éducation à la santé qui se fondent uniquement sur des approches cognitives (transferts d’information au sujet des groupes alimentaires ou de l’équilibre nutritionnel, par exemple). Ces approches sont parfois nécessaires mais rarement suffisantes pour infléchir un processus aussi complexe que le comportement alimentaire. Les dimensions affectives, commensales et partagées de l’alimentation ainsi que la place de l’aliment au sein de divers échanges (de la production à la préparation de l’aliment) jouent un rôle important dans la formation des goûts, particulièrement chez les jeunes. De ce fait, l’éducation au goût se révèle être une approche importante dans le champ contemporain de la promotion de la santé alimentaire. Néanmoins, et malgré le grand intérêt public qu’elle suscite, il existe à ce jour peu d’études qui analysent son potentiel comme stratégie de promotion de santé.


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